


Site consacré au Syndrome d’Alcoolisation Foetale et
à l’Ensemble des Troubles Causés par l’Alcool sur le Foetus
Le développement du langage oral chez les enfants exposés à l’alcool in utero

A ce jour, peu d’études ont fait état de l’atteinte du pôle langagier chez les enfants porteurs du SAF ou d’ETCAF.
En revanche, les ouvrages consacrés au Syndrome d’Alcoolisation Fœtale (SAF), pointent tous des caractéristiques qui témoignent de son atteinte.
Avant de les aborder, nous souhaitons présenter deux études importantes qui ont tenté d’analyser de façon plus approfondie, les dysfonctionnements que pouvaient engendrer l’éthanol sur le développement du langage et de la communication.

of Prenatal Exposure to Ethanol (1981)
Dans cette étude l’équipe du Dr. Shaywitz nous présente deux cas pour lesquels une exposition prénatale à l’alcool a été confirmée.
Les deux enfants, J.E et A.J, respectivement âgés de 5 ; 11 ans et 5 ; 4 ans présentent tous deux un SAF partiel. Notre objectif étant de cibler plus particulièrement les dysfonctionnements langagiers, nous vous incitons vivement à consulter cette étude dans son intégralité.
Résumé de l’évaluation cognitive et linguistique du cas n°1 :
J.E est âgé de 5 ; 11 ans au moment de l’évaluation. Les résultats obtenus aux différentes épreuves témoignent de déficits tant sur le plan expressif que réceptif.
- Au niveau du langage réceptif, l’enfant obtient un âge développemental (AD) de 3 ; 2 ans au test du SICD (Sequenced Inventory of Communicative Development).
- Le score obtenu pour le versant expressif correspond à un AD de 2 ans.
- La discrimination de sons non linguistiques lui donne un AD de 32 mois.
- La compréhension de mots isolés désignant des objets est intacte, celle des relations de taille est défectueuse.
Au cours des épreuves, l’enfant s’est montré très réticent à la communication, il est difficile pour lui de respecter les tours de parole, ses énoncés sont exagérément articulés, avec une intonation et une fluidité inappropriées.
Ses productions orales peuvent être assimilées à celles d’un enfant de 2 ans, J.E est par ailleurs incapable de faire varier de façon créative les composants de ses phrases.
b. Socialisation et interactions :
Les observations scolaires ont montré que J.E éprouve des difficultés à s’engager dans des activités ludiques avec ses camarades. L’enfant préfère se retirer dans des activités solitaires. Les comportements imitatifs sont absents. Tout changement de jeu ou d’activité par le groupe entraîne chez lui confusion et panique.
Dans son discours sont constatés : confusion conceptuelle, blocages, changements de sujets impromptus. Très souvent le comportement n’est pas approprié au contexte ou à l’interaction.
Résumé de l’évaluation cognitive et linguistique du cas n°2 :
Une estimation fiable des compétences d’A.J s’est révélée extrêmement difficile du fait de son inaptitude à mener à bien ses tentatives dans plusieurs tâches. L’enfant est âgé de 5 ; 4 ans.
- Le score obtenu au SICD pour le langage en réception lui donne un âge développemental (AD) de 3 ; 3 ans.
- La discrimination auditive est défectueuse.
- A.J est incapable d’exécuter une consigne impliquant deux ordres.
- Le développement syntaxique se situe entre 20 et 22 mois. L’ordre sujet/objet dans les phrases lui pose des difficultés.
- Le versant expressif est équivalent à un AD de 29 mois.
- Ses capacités attentionnelles sont réduites et instables.
Le discours d’A.J est souvent confus, avec des changements de sujets fréquents, une confusion conceptuelle générale. Les erreurs de syntaxe jalonnent le discours.
b. Socialisation et interactions :
A.J semble manifester peu d’intérêt à l’interaction en particulier lorsqu’elle est initiée par d’autres.
Le jeune garçon ne fait aucune distinction entre des étrangers et ses proches.
Son comportement dans le jeu et en interaction témoigne d’une organisation conceptuelle pauvre, d’un contenu de pensée confus, d’une absence de lien dans l’enchaînement de ses pensées.
Synthèse :
On constate chez ces deux enfants d’importantes similitudes tant sur les plans physique, que linguistique, comportemental et cognitif.
Dans les deux cas le langage est sévèrement altéré, à la fois au niveau de l’expression et de la compréhension.
La pragmatique n’est pas épargnée, au contraire, A.J et J.E sont incapables de produire un discours socialisé. Tous deux méconnaissent les règles qui régissent les relations interpersonnelles, ainsi que celles du discours.
Référence :
Shaywitz, S.E., Caparulo, B.K, Hodgson E.S. (1981): Developmental language disability as a consequence of Prenatal Exposure to Ethanol, Pediatrics, Vol.68, pp.850-855.
Shaywitz, S.E., Caparulo, B.K, Hodgson E.S. (1981): Developmental language disability as a consequence of Prenatal Exposure to Ethanol, Pediatrics, Vol.68, pp.850-855.

Picture-Bound Reference, Elaboration, and Fetal Alcohol Spectrum Disorders (2007)
Objectifs de l’étude :
Cette équipe de chercheurs nord américains s’est donnée pour but d’évaluer la précision classificatoire et la faisabilité clinique de l’analyse narrative comme outil d’identification des enfants porteurs d’ETCAF (Ensemble des Troubles Causés par l’Alcool sur le Fœtus).
Ils ont pour cela comparé des récits d’enfants d’âge scolaire souffrant de désordres liés à l’exposition à l’alcool in utero, avec des récits d’enfants d’âge et de sexe équivalents avec un développement normal. Les mesures ont été réalisées à partir du système de codage de l’élaboration sémantique.
Expérience :
a. Participants :
Au total ont été sélectionnés, 32 enfants d’âge scolaire entre 8 ; 5 ans et 11 ; 7 ans de profils socio-économiques et ethniques variés.
- 16 enfants sont porteurs d’ETCAF avec deux types de diagnostics :
• SAF ou SAF partiel.
• Exposition confirmée à l’alcool avec troubles neuro-comportementaux.
Le diagnostic a été posé par une équipe appartenant au réseau de prévention et de diagnostic du SAF de l’Université de Washington. Il a été établi à partir du 4-Digit Diagnostic Code.
Les 16 participants du groupe ETCAF furent ensuite répartis en deux sous-groupes à partir des résultats obtenus pour le sous-test de recréation de phrases du RS-TLC :
• Un sous-groupe de performances moyennes (n=9) ayant obtenu des scores dans une déviation standard de la moyenne (entre 7 et 10).
• Un sous-groupe de basses performances (n=7) avec des scores situés à moins 2 écarts-types ou plus en dessous de la moyenne (entre 3 et 4).
- 16 enfants dont on a qualifié le développement de « typique » :
Chacun de ces enfants a été apparié avec un enfant du groupe précédent, d’âge similaire dans une fourchette de plus ou moins 12 mois, avec une différence moyenne de 3,5 mois.
Ce système comprend deux sous-mesures :
- La stratégie d’utilisation de la référence linguistique, qui veille à ce que les concepts soient explicites et identifiables de façon univoque dans le récit.
- Le degré d’élaboration sémantique des concepts.
- Identifier les enfants porteurs d’ETCAF qui obtiennent de faibles performances dans les tests standardisés, de façon à établir un niveau de comparaison pertinent entre ces tests et l’analyse narrative.
- Identifier les enfants porteurs d’ETCAF qui ont des résultats situés dans la norme pour les tests standardisés, mais pour lesquels l’analyse narrative permettrait une classification d’une précision supérieure.
L’enfant produit un récit oral à partir d’un livre d’images sans légende pour un auditeur naïf. Ce dernier n’a pas le livre sous les yeux.
L’enfant feuillette le livre une première fois, puis raconte l’histoire à l’adulte.
Le système de codage de l’élaboration sémantique a été conçu pour ce type d’expérimentation pour laquelle un récit décontextualisé est produit pour un auditeur naïf. Dans un discours décontextualisé, l’information visuelle n’est pas disponible pour l’auditeur, bien qu’elle le soit pour le narrateur.
Résultats :
Le système de codage de l’élaboration sémantique comporte un nombre important de codes que nous n’évoquerons pas ici de façon approfondie.
Nous présenterons seulement quelques unes des conclusions de cette étude.
- Le taux d’élaboration sémantique des concepts est un prédicteur raisonnable et précis des faibles performances sur le RS-TLC pour des enfants d’âge scolaire atteints d’ETCAF. Le taux d’ambiguïté (stratégies référentielles inappropriées) dans le récit s’avère également précis. Une combinaison de ces deux mesures selon une règle disjonctive permet de classifier correctement la totalité de ces enfants quant à leurs résultats sur le RS-TLC.
- Les enfants porteurs d’ETCAF, qu’ils présentent des performances basses ou moyennes aux tests linguistiques standardisés, sont plus enclins à utiliser des stratégies référentielles liées à l’image au cours de leur récit. En d’autres termes, ils ne se rendent pas compte de l’augmentation de la charge de traitement qu’ils imposent à leur auditeur, qui lui, n’a pas l’image sous les yeux.
Référence :
Astley, Susan J., Coggins, Truman E., Olson, Heather, Carmichael, Thorne, John C. (2007): Exploring the utility of narrative analysis in diagnostic decision making: Picture-bound reference, elaboration, and Fetal Alcohol Spectrum Disorders, Journal of Speech, Language, and Hearing Research, April 2007, pp. 459-474.
Astley, Susan J., Coggins, Truman E., Olson, Heather, Carmichael, Thorne, John C. (2007): Exploring the utility of narrative analysis in diagnostic decision making: Picture-bound reference, elaboration, and Fetal Alcohol Spectrum Disorders, Journal of Speech, Language, and Hearing Research, April 2007, pp. 459-474.

A/ le versant expressif :
1. Un langage expressif supérieur au langage réceptif :
La plupart des personnes exposées à l’alcool in utero possèdent une habileté à s’exprimer généralement supérieure à leur niveau de compréhension. De ce fait, enfants comme adultes ont tendance à « faire illusion ». Leur fluidité dissimule en réalité des troubles importants de la compréhension.
2. Des troubles d’articulation :
En cas d’atteinte du tronc cérébral, les muscles de la bouche, des lèvres, du larynx peuvent être affectés et conduire à des difficultés dans la réalisation des mouvements articulatoires.
3. Une altération du discours socialisé :
Les enfants et adultes atteints du SAF ou d’ETCAF peuvent éprouver des difficultés pour trier et transmettre les informations suffisantes à leurs interlocuteurs aussi bien dans les conversations que dans les récits oraux.
Souvent, ils sont incapables de s’adapter aux perspectives des autres durant l’interaction. Ces personnes connaissent des difficultés à produire un discours intégré qui requiert de leur part d’équilibrer exigences linguistiques et sociocognitives (Coggins, cité par Astley et al.).
B/ le versant réceptif :
1. Des difficultés de compréhension :
Les troubles de la compréhension se focalisent en particulier sur le langage abstrait et métaphorique. Les grands concepts qui gèrent notre société et notre vie en général peuvent être vides de sens pour ces personnes. Le temps, l’argent, les nombres etc. nécessitent une capacité d’abstraction suffisante pour être compris.
Notre langue est parsemée de proverbes, de métaphores, d’expressions à double sens, qui risquent d’être interprétés au premier degré.
2. Une mauvaise extraction de l’information :
Pour les personnes porteuses du SAF ou d’ETCAF, il peut être extrêmement difficile de saisir l’information principale contenue dans un message. Elles se raccrochent aux mots qui ont un sens concret et en oublient d’écouter l’ensemble de la phrase ou du discours.
3. Des difficultés de mémorisation :
Les troubles de la mémoire à court terme (MCT) sont très fréquents et empêchent les informations de s’enregistrer correctement. Le manque de compréhension augmente avec la complexité.
De même, ces troubles de la mémoire peuvent se répercuter sur l’expression orale lorsque les capacités de restitution sont altérées.
4. Un défaut de compréhension et d’interprétation des sentiments d’autrui :
Les enfants et adultes exposés à l’alcool in utero peuvent être incapables de déceler, d’interpréter les sentiments d’autrui et de s’y adapter. Les mimiques, les gestes, les émotions ne sont pas perçus.
Cette incapacité à prendre en compte les réactions de(s) l’interlocuteur(s) constitue un handicap sévère pour une communication et un échange adaptés. En effet, ces personnes ne réaliseront pas que leur interlocuteur n’a pas compris, ou bien qu’il n’est pas d’accord, ou agacé… Dès lors, ils n’adaptent pas leur comportement en fonction de l’autre et poursuivent sur leur lancée.